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02.04.2024
Academy

Du vinyle aux premiers clips vidéo

Aujourd’hui comme hier, la musique parle aux jeunes d’une manière essentielle. Mais la manière de l’écouter et d’y accéder n’a pas cessé de changer au cours de l’histoire de l’humanité.

1976

La musique sortait de grandes enceintes, aussi grandes que moi. J’avais 3 ans. Les voix des hommes et des femmes qui chantaient dans ces boîtes faisaient vibrer tout mon corps. Du bonheur, de la tristesse, des rythmes qui donnaient envie de bouger ou de se coucher par terre pour mieux entendre. Je regardais les images sur les pochettes des 33 tours. Ces gens qui produisaient ces sons incroyables étaient là, dans leurs vies bizarres, ailleurs dans un monde de musique. Je me souviens de la pochette d’« Ummagumma » de Pink Floyd, avec la mise en abyme des quatre membres du groupe qui avaient l’air si cool. Je me souviens aussi du visage de Bob Dylan sur « The Time They Are A Changin’ », en noir et blanc, un bad boy triste, un poète. Il n’y avait pas que des Américains, il y avait aussi le disque des Chœurs de l’Armée rouge, qui chantaient « Kalinka ». Dans les années 1970, la Russie faisait rêver plus d’un Suisse. Moi, je ne captais rien au communisme, mais quand les voix du chœur résonnaient dans tout le salon, je m’envolais par-dessus les toits. 

 

1983

Quand j’ai eu 10 ans, mon oncle nous a ramené une cassette vidéo de clips. Avec mes cousins, c’était la première fois qu’on voyait ça. Comme des petits films qui racontaient l’histoire de la chanson qui passait. Un truc de fou ! L’ancêtre de YouTube en fait ! J’étais hypnotisée. Je la repassais en boucle. Sur la VHS, il y avait une des premières vidéos de Madonna, « Burning Up ». Elle était fabuleuse dans sa robe t-shirt blanche, avec ses poignets pleins de bracelets, en train de se contorsionner à même l’asphalte. Il y avait aussi « Thriller » et « Billy Jean » ! À l’école, on vous apprend la Révolution française et la Révolution industrielle, mais pas l’arrivée des clips de Michael Jackson, qui ont tout autant changé le monde. La musique et les images ont fusionné. Et avec l’arrivée de MTV et les vidéos en continu, nous, les jeunes des années 1980, on s’est mis à « regarder » la musique.

 

1987

À 14 ans, je faisais des playlists mortelles sur mes cassettes, que j’écoutais en boucle, de la face A à la face B et retour grâce à l’autoreverse. L’expérience de déballer une K7 vierge et d’y enregistrer mes morceaux préférés n’avait rien à voir avec le geste, trop simple, du pouce qui suffit à faire une playlist sur Spotify ou YouTube. On décorait nos mixtapes avec des stickers et des lettrages fun, on se les échangeait et on en était trop fiers. 

C’est à cette époque que j’ai reçu mon premier lecteur CD. Désormais, je pouvais acheter des disques avec mon argent de poche et les écouter dans ma chambre. C’était nouveau, car jusque-là, comme la télé, la platine 33 tours était au salon et je n’avais pas trop le droit d’y toucher. Je me souviens de mes premiers CD : « Joshua Tree » de U2, « Beds are Burning » de Midnight Oil, « Entre gris clair et gris foncé » de Jean-Jacques Goldman et « Desintegration » de The Cure.

 

Aujourd’hui comme hier, la musique parle aux jeunes d’une manière essentielle. Elle leur prend la main, leur dit qui ils sont et qui ils ne sont pas, les fait danser et s’aimer, et rire et chanter, les aide à s’endormir la nuit et à se lever le matin. Mais la manière de l’écouter et d’y accéder n’a pas cessé de changer au cours de l’histoire de l’humanité. Alors que les jeunes de 1824 allaient à l’église, que ceux de 1924 se réunissaient autour des nouveaux gramophones, qu’en 1984 les radiocassettes crachaient les premiers tubes de hip-hop dans la rue, les kids de 2024 trouvent ça normal de profiter de leurs sons gratuitement et de regarder les dernières vidéos de Ninho ou Taylor Swift seuls dans le bus ou dehors avec les copains.