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Le blurring ou le syndrome de la journée sans fin
Derrière ce terme, issu du lexique managérial, se cache une double réalité. Celle de l’effacement des frontières entre la vie professionnelle et personnelle, et celle de l’intensification de ce phénomène. Retour sur l’impact de cette lame de fond dans les organisations et dans nos vies.
À l’origine, ce phénomène charriait avec lui son lot d’avantages. C’était la promesse d’une plus grande souplesse, une marque de confiance de la part de l’employeur vis-à-vis des collaborateurs ainsi libérés de l’obligation de “faire leurs heures”. “Ne t’inquiète pas, Nathalie, tu peux prendre ce coup de fil de ton assurance maladie” ou “Vas-y, Frédéric, tu peux partir plus tôt pour prendre ton train, tu nous enverras ton document plus tard” sont devenues des phrases courantes. Avec le blurring, s’avancer dans son travail hors de son bureau et s’avancer sur des tâches domestiques hors de la maison fait maintenant partie du quotidien.
D’autant plus que les outils le permettent. Les appareils connectés permettent de travailler n’importe où, n’importe quand, 24h/24 et 7j/7. Et lorsque ce ne sont pas les appareils eux-mêmes qui sont les causes, ce sont les applications de travail partagées ou les outils de gestion qui envoient des notifications à toute heure sur des appareils que l’on utilise dans notre quotidien, chez soi.
Un flou aux impacts très clairs
La suite, vous la connaissez. Cette apparente liberté a resserré le filet sur lui-même. Dans ces conditions, comment savoir quand une journée de travail commence et quand est-ce qu’elle se termine ?
En étant toujours présents, toujours actifs, nous ne sommes jamais concentrés sur une seule et même tâche. Ces petites choses anodines que nous faisons pour gagner du temps nous font perdre en concentration. Est-ce une coïncidence si l’on commence à entendre l’expression “je n’ai plus de bande passante” ? Toujours partout, jamais nulle part, telle est la malédiction de ce phénomène qui semble toucher les collaborateurs, a fortiori les cadres, sans distinction.
Et à ce jeu-là, personne n’est gagnant. Cet état de veille permanent crée chez certains collaborateurs un stress chronique. Il peut, à terme, mener à un épuisement physique et psychique. En mai 2023, Travail.Suisse, la principale organisation faîtière indépendante des travailleurs et travailleuses en Suisse, publie les résultats d’un sondage. Près de 40% des travailleurs sondés indiquent qu’ils se sentent épuisés. Pour la faîtière, il est temps de se doter de règles claires garantissant le repos et le droit de ne pas être joignable pendant le temps libre.
Pour certains chercheurs, le blurring est une étape qui précède le burn-out. Pour d’autres, comme Mouna Khani, professeure adjointe au Département de gestion des ressources humaines de HEC Montréal, c’est même une de ses facettes.
8 conseils pour éviter ou sortir du blurring
Ce phénomène vient toucher notre propre capacité à mettre des limites à une liste de tâches, tant domestique que professionnelle qui, par nature, n’a pas de fin. Aussi, la ligne de conduite globale consiste à s’imposer soi-même ses limites. Face à ce tonneau des Danaïdes qu’est notre liste de tâches, il ne faut plus s’imposer les 12 travaux d’Hercule !
De manière concrète, pour retrouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, il est utile de :
- commencer sa journée en posant ses priorités sur le papier, pour bien répartir sa charge de travail ;
- instaurer des routines qui viennent délimiter ce qui est de l’ordre du privé et ce qui est de l’ordre du professionnel (ne pas regarder d’écran avant de se coucher, bannir les emails professionnels au moment du café chez soi, … ) ;
- éviter le multitasking ;
- dans le cas où l’on fait du télétravail, si possible aménager un espace chez soi consacré au travail ;
- s’autoriser à ne pas donner une réponse immédiate à ses collègues, clients, fournisseurs, etc. ;
- fixer des limites auprès de ses collègues et de sa hiérarchie ;
- se fixer des pauses régulières pour lâcher un peu la pression lors de moments de détente, même courts ;
- et si notre état physique ou psychique est déjà impacté, en parler autour de soi, que ce soit dans le monde du travail ou auprès d’un praticien sensibilisé à cette problématique.
Sortir de la zone grise pour réduire les coups de blues
“Connais-toi toi-même” disait Socrate. Pour le blurring, c’est la même logique qu’il faut appliquer. Prendre le temps de s’écouter, d’observer les éventuelles manifestations de ce syndrome d’épuisement pour ensuite mettre en place les bonnes pratiques, est essentiel pour tenir dans la longueur